Orientalisme, islamophobie ou encore racisme à peine voilé, les critiques à l’encontre du traitement médiatique de l’islam sont quotidiennes et émanent d’agents sociaux aux spectres idéologiques divergents.
Des présupposés culturalistes mis en lumière par Edward Saïd (1981) à l’analyse de la “fabrication” d’un “problème musulman” décortiquée par Thomas Deltombe (2005), Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed (2013), la critique sociologique tend à mettre en évidence une mauvaise compréhension des phénomènes religieux, politiques ou socio-culturels directement ou indirectement liés à l’islam. L’usage d’une grille de lecture essentialisante ainsi que la culturalisation de problèmes principalement sociaux, économiques ou politiques font partie des procédés déconstruits par cette approche critique.
En réponse à cette appréciation sociologique, une autre critique – rarement académique mais tout aussi visible – reproche à la presse un tropisme islamophile. Dénonçant une «bien pensance» particulièrement avenante envers l’islam voire la dissimulation de la vérité par des acteurs complices de la “cause islamiste”, ses promoteurs en appellent à la levée de la censure et de l’autocensure à propos de faits impliquant l’islam ou des individus de confession musulmane.Materia
L’analyse des termes, de leur apparition et du cadrage qu’ils entretiennent met en avant la “puissance prescriptive de la parole journalistique” selon Ingrid Riocreux (2016). A cet égard, la presse française fournit un terrain d’analyse fécond pour examiner les termes d’un débat, d’une question ou d’un problème qui, s’il évolue dans le temps, s’est inexorablement imposé comme une constante dans le paysage médiatique hexagonal.
Dans ce contexte, cette étude se concentre sur les trois «grands» quotidiens français: Le Monde, Le Figaro et Libération. Recensant les occurrences des termes “islam” et “musulman” au cours d’une période relativement récente (1997-2015), ses méthodes offrent un regard novateur et particulièrement révélateur sur la question du traitement médiatique de l’islam. Par ses approches quantitatives et qualitatives, cette étude permet ainsi d’observer les événements au cours desquels ces termes surgissent, d’analyser le cadre voire l’orientation des débats qui les convoquent et, enfin, d’avoir une vision globale et évolutive de ce traitement médiatique.
“Nommer, on le sait, c’est faire voir, c’est créer, porter à l’existence” (P. Bourdieu) , derrière les mots de la presse se trouvent donc sinon les raisons, du moins les termes définissant le cadre dans lequel s’inscrit cet affrontement idéologique. Cette étude tente donc, selon les termes de Thomas Deltombe, “d’effacer les idées reçues pour voir quelles idées nous ont été données”. Car les mots renvoient à des univers particuliers, renferment une histoire et façonnent notre rapport au monde et aux autres.
Moussa Bourekba
Chercheur au CIDOB
It’s the same with blood flow and oxygen round your body.